Rédigé par 20 h 30 min CDs & DVDs, Critiques

Dynamique et débordant d’énergie

Originaire de Bohème, Jan Dismas Zelenka arriva à la cour de Dresde au début du XVIIIe siècle pour servir le roi de Pologne Auguste II. Il fut accueilli comme joueur de violone puis devint directeur de la célèbre Hofkapelle en 1729. Essentiellement sacrées, ses œuvres furent plus ou moins florissantes, selon que le compositeur polonais fut souffrant ou non. Il connut en effet de longues périodes de maladie qui influèrent sur son travail.

Jan Dismas ZELENKA (1679-1745)

Missa Votiva ZWV 18 en mi mineur (1739)

Sopranos : Hana Blažiková, Stanislava Mihalcová, Andrea Brožáková, Barbora Sojková
Altos : Markéta Cukrová, Marta Fadljevičová, Jarmila Kosinová, Jan Mikušek
Ténors : Tomáš Kořínek, Hasan El-Dunia, Stanislav Předota, Čenek Svoboda
Basses : Tomáš Král, Lisandro Abadie, Martin Kotulán, Jaromir Nosek 

Chœur et orchestre Collegium 1704, dir. Václav Luks

67’14, Zig-Zag Territoires, enr. 2007 dans le cadre du Festival de Sablé[clear]

Originaire de Bohème, Jan Dismas Zelenka arriva à la cour de Dresde au début du XVIIIe siècle pour servir le roi de Pologne Auguste II. Il fut accueilli comme joueur de violone puis devint directeur de la célèbre Hofkapelle en 1729. Essentiellement sacrées, ses œuvres furent plus ou moins florissantes, selon que le compositeur polonais fut souffrant ou non. Il connut en effet de longues périodes de maladie qui influèrent sur son travail. 

C’est en 1739, 16 ans après son foisonnant oratorio Sub olea pacis pour le Couronnement de Charles VI, que Zelenka composa la Missa Votiva au sortir d’une longue et pénible période de mauvaise santé, comme action de grâce pour sa guérison (ce  qu’indique d’ailleurs la note, en latin, présente à la fin du manuscrit : “Missam hanc Maiorem Dei Gloriam ex voto posuit Jan Dismas Zelenka post recuperatam Deo Fautore Salutem”).  Ayant chacun fait nos humanités, il est inutile d’en inscrire ici la traduction.

Le premier Kyrie (car il y en a trois) impose aussitôt une cadence soutenue, marquée d’un rythme assez saccadé. Débordant d’énergie, l’orchestre du Collegium 1704 s’élance avec certitude, soutenu par un continuo fort bien bâti. Le chœur se joint ensuite au mouvement avec la même dynamique. Allègre, ce motif est tout de même empreint d’une certaine rigueur, caractéristique de l’Europe de l’Est et de ses frimas. La fugue finale s’ouvre sur le Christe, la tourmente s’arrête aussitôt que s’élève la voix cristalline de la soprano Hana Blažiková, légère et lumineuse, pleine de grâce. L’orchestre est ici un peu gourd mais les nuances sont belles et bien pensées. La diction est parfaite, la voix bien posée. Chaque mot, chaque motif fait appel à des émotions différentes, obligeant la chanteuse à adapter la couleur de sa voix, exercice d’où elle sort brillamment. Le second Kyrie ne fait qu’introduire par une courte phrase le troisième qui reprend le thème du premier morceau.

Telle une charge ou une course effrénée, le Gloria dévoile une mélodie rayonnante et joyeuse d’où émane une grande ferveur. Les duos de solistes lancent une louange, le chœur en prolonge la beauté et la profondeur avec une conviction redoublée. Chœur et orchestre sont en parfait écho l’un de l’autre, très homogènes quant aux nuances ; tous deux font preuve d’une très grande expressivité. Le chant est clair et très naturel. Répétée à plusieurs reprises, la phrase “Gratias agimus tibi” témoigne de la gratitude de Zelenka envers Dieu pour lui avoir accordé la guérison. Le “Qui tollis peccata mundi” se fait tendre supplication, chantée à nouveau par Hana Blažiková qui prend alors un ton humble mais sûr. Dénuée de tout vibrato, sa souple voix est un délice. Puis une nouvelle louange s’élève, portée par le chœur tout entier, et ne fait que renforcer l’instance de la prière. Tel un aria de Haendel, le “Quoniam tu solus Santus” fait appel à la bravoure de Tomáš Král ; une grande hardiesse (musicale) ressort des nombreux mélismes fait sur le nom de  “Jesu”. La voix du baryton est sûre et emplie d’une gracieuse virilité. Le Gloria s’achève sur une fugue assez vive, un peu trop peut-être. Même si instrumentistes et chanteurs s’en sortent sans grande difficulté, ces derniers semblent contraints à une articulation un peu forcée pour que celle-ci reste intelligible, d’où un certain sentiment de crispation.

Puis vient le Credo, particulièrement fougueux. Le Collegium 1704 prend un nouvel envol ; Václav Luks donne à chaque morceau un souffle nouveau et vigoureux, soutenu avec force par le continuo vraiment remarquable ! Le chœur professe avec assurance et une joie manifeste. Chanté par l’alto Markéta Cukrová, l’Incarnatus est traduit toute la déférence due à Dieu pour s’être incarné. Tout s’apaise soudainement, la frénésie passée retombe d’un seul coup. L’air est sombre mais paisible. L’on saluera un travail de nuances particulièrement bien soigné ainsi que le luth de Simon Martyn-Ellis qui emplit l’atmosphère d’une douce mélancolie. Dans la continuité de ce morceau, le Crucifixus mène à son paroxysme la solennité de la venue du Christ sur Terre et évoque douloureusement la Passion. Une grande tension est présente dans cette fugue, entamée à l’unisson par les basses et l’orchestre. Les voix d’hommes sont profondes et ténébreuses, celles des femmes sont aériennes et appellent à la Résurrection. Celle-ci arrive d’ailleurs sans tarder, poussée par un basson fort allègre ! Là encore, la musique se fait écho du texte. L’atmosphère s’assombrit à nouveau lors de “iudicare vicos et mortos” (pour juger les vivants et les morts), rappelant la toute puissance de Dieu et la condition de créature dans laquelle se trouve l’homme ; mais la lumière déferle à nouveau avec la voix du ténor Tomáš Kořínek. Comme le Gloria, le Credo est également clos par une fugue lancée par les sopranos. L’on peut une fois encore admirer la souplesse des voix et la beauté des timbres.

Un peu trop haché du côté orchestral, le Sanctus impose une nouvelle austérité. Succède un Benedictus calme et limpide. L’on regrettera néanmoins que la soprano Stanislava Mihalcová reste un peu en retrait. Sa voix laisse percer un souffle d’air qui la rend moins pure et mois agile que celle de Hana Blažiková. Nouvelle fugue sur l’Osanna qui nous conduit jusqu’à l’Agnus Dei, tourmenté. L’on est alors déconcerté d’entendre à nouveau le thème du premier Kyrie ! Mais il s’agit bien du Dona nobis pacem, dernier morceau de cette Missa Votiva. Le mouvement semble moins léger et vif qu’au début de l’œuvre mais qu’importe ! Il renforce la puissante cohésion de cette messe, comme pour symboliser que l’action de grâce voulue par Zelenka est éternelle.

La musique de Zelenka sert le texte d’une remarquable façon. Chaque phrase est explicitée par la couleur musicale, le tempo employé… Václav Luks et son Collegium 1704 ont apporté un soin tout particulier à l’intelligibilité des paroles, le texte et la musique prennent ainsi tout leur sens. Nous leur savons grés également du remarquable travail de nuances effectué (notamment dans le Gloria), là encore pour renforcer la signification profonde du texte. Instruments et voix on été suffisamment mis en valeur pour que chacun soit entendu séparément tout en préservant l’intégrité et la cohérence de l’ensemble. Voici donc une belle et énergique réalisation de cet ensemble au nom heureusement plus prononçable que celui de ses solistes et musiciens !

Isaure d’Audeville

Technique : bonne prise de son en dépit  de dessus et de voix qui ne ressortent pas suffisamment.

Étiquettes : , , , , , Dernière modification: 11 juillet 2014
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