Rédigé par 15 h 54 min CDs & DVDs, Critiques

Le cuisinier de Haendel

On cite souvent, dans la légende haendélienne la phrase malheureuse qu’il aurait prononcée contre le jeune Gluck : Mon cuisinier connaît plus le contrepoint que ce Gluck. Si non è vero e ben trovato. Mais n’en déplaise au grand Berlioz qui épingla le Caro Sassone pour cette affirmation, il se peut qu’au lieu d’une perfidie ce soit une sorte d’hommage.

Georg-Frederic HAENDEL (1685-1759)

Finest Arias for Bass Voice

[TG name=”Liste des airs”]

Sibilar gli angui d’Aletto (Argante)
I rage, I melt, I burn! (Polyphemus)
O ruddier than the cherry (Polyphemus)
Fra l’ombre e gl’orrori (Polifemo)
If I give thee honour due (L’Allegro)
Mirth, admit me of thy crew (L’Allegro)
Qual’insolita luce (Lucifero)
Caddi, è ver (Lucifero)
Tears, such as tender fathers shed (Abinoam)
To pow’r immortal my first thanks are due (Gobrias)
Impari ognun da Orlando (Zoroastro)
Sorge infausta una procella (Zoroastro)
Racks, gibbets, sword and fire (Valens)
Volate più dei venti (Porsena)
Vieni, o cara (Claudio)
Nel mondo e nell’abisso (Isacio)
Mie piante correte (Apollo)
Cara pianta (Apollo)
Revenge, Timotheus cries
Leave me, loathsome light (Somnus)

[/TG] 

Christophe Purves, basse
Arcangelo
Dir. Jonathan Cohen 

70’54, Hyperion, 2013.[clear]

On cite souvent, dans la légende haendélienne la phrase malheureuse qu’il aurait prononcée contre le jeune Gluck : « Mon cuisinier connaît plus le contrepoint que ce Gluck ». Si non è vero e ben trovato. Mais n’en déplaise au grand Berlioz qui épingla le Caro Sassone pour cette affirmation, il se peut qu’au lieu d’une perfidie ce soit une sorte d’hommage. Qui aurait pu imaginer qu’outre la passion de Händel pour la bonne chère, il aurait employé son propre cuisinier dans des rôles non négligeables de certains de ses chefs d’œuvres ?

L’existence de Gustavus Waltz est pratiquement un palimpseste. Mais il a été immortalisé par les rôles que son compositeur de patron lui a composés sur mesure. Et non pas des moindres : Minos dans l’Arianna in Creta (dont l’air « Se ti condanno » est un feu d’artifice continu) ;  Melisso dans l’incroyable Alcina et sa sicilienne inoubliable « Pensa chi gemme » et le Roi Duncano dans l’Ariodante. Si le cuisinier Waltz savait plus de contrepoints que Gluck, peut-être n’était-ce pas faux. Le jeune Gluck cherchait encore un style à l’époque de sa Caduta dei Giganti, bien avant les magnifiques chefs d’œuvre des années 1760. Le reproche et le mépris deviennent une remarque de maître à élève. Mais, si Händel accorda autant d’importance à la voix de basse, son art n’a pas démérité et certains airs sont d’une beauté bien plus subtile que les éternels tubes castratiques.

Faire un récital d’airs d’oratorio et d’opéra ne semble pas très original en effet. N’oublions pas qu’il y a quelques années Ildebrando d’Archangelo en a enregistré un avec Modo Antiquo et Federico Maria Sardelli. Le résultat n’a pas vraiment été très probant. Les airs de basse de Händel ont le charme complexe des écrins baroques, à la fois très ornementés mais terriblement difficiles à équilibrer sans tomber dans la caricature ou le bouffe. 

Dans ce récital, Christopher Purves réunit des qualités intéressantes et profondes pour rendre à ce répertoire toute sa beauté et son intérêt. Basse taillée dans le velours, Monsieur Purves fait éclater le jais et l’ambre dans chaque note, claire et puissante, modulée avec des reflets chromatiques. Nous avons plaisir à l’entendre que ce soit dans des rôles de caractère comme Polifemo ou même Argante et les pages évocatrices et solennels des oratorii. Sa voix ductile peut passer d’un style, épousant sans coup férir la palette haendélienne à la perfection. En définitive, c’est un récital qui figure parmi les meilleures réalisations du genre de ces dernières années.

Finalement, la seule faiblesse, quoique pas vraiment significative est l’ensemble Arcangelo, plus décoratif qu’impliqué. Contraste absolu de la direction présente et efficace de Jonathan Cohen. Nous devons malgré tout accepter que cet ensemble offre un écrin idéal pour la voix splendide de Christophe Purves.

Waltz, le cuisinier de Händel, a offert un vecteur sensible à toute une partie de la création haendélienne, allant jusqu’à la dernière reprise du Messie en 1782 au Foundling Hospital. Et si la bonne cuisine s’apparente à la bonne musique, nous pouvons en définitive souhaiter aux auditeurs de ce merveilleux récital, un très bon appétit avec les délices que Christophe Purves offre aux sens.

Pedro-Octavio Diaz

Technique : captation de bonne qualité. Pas de remarques particulières.

Étiquettes : , , , , Dernière modification: 11 février 2022
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