Rédigé par 13 h 22 min Concerts, Critiques

Absolutely faboulous

Les martinets ont installé définitivement l’été dans les verts coteaux de Lorraine. Leurs silhouettes stridentes mouchetaient l’azur absolu de célères imprécations. Au cœur des vallées où le vent joue à ébouriffer les blés en herbe, entre les rus secrets et les plaines ensoleillées, les clochers tels des guets anciens, dressent leur prière de pierre aux empyrées séculaires.

“Farinelli & Rivals”

David Hansen, Academia Montis Regalis, 
dir. Alessandro de Marchi

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David Hansen © Ahlburg

[clear]”Farinelli & Rivals”

[TG name =”Liste des airs”]

Arcangelo Corelli – Sonata op.3, n° 12 en la majeur
Leonardo Vinci – Taci o di morte (Il Medo)
Charles Avison  – Concerto grosso n°5 en ré mineur
Antonio Maria Bononcini – Cara Sposa (La Griselda)
Leonardo Vinci – Risveglia lo sdegno (Alessandro nell’Indie)
Arcangello Corelli – Sonata op 3, n° 1 en fa majeur
Leonardo Vinci  – Sento due fiamme in petto (Il Medo)
Domenico Gallo – Sonata per due violini e basso continuo n° 1 en sol majeur
Leonardo Leo – Freme orgogliosa l’onda (Demetrio)
Bis : Leonardo Leo – Talor che irato il vento (Andromaca)

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David Hansen – contre-ténor
Pierluigi Fabretti – hautbois solo 

Academia Montis Regalis
Direction Alessandro de Marchi[clear]

Samedi 6 juillet 2013, Prieuré de Froville la Romane (54), dans le cadre du Festival de Froville.[clear]

Les martinets ont installé définitivement l’été dans les verts coteaux de Lorraine. Leurs silhouettes stridentes mouchetaient l’azur absolu de célères imprécations. Au cœur des vallées où le vent joue à ébouriffer les blés en herbe, entre les rus secrets et les plaines ensoleillées, les clochers tels des guets anciens, dressent leur prière de pierre aux empyrées séculaires.  

Nous sommes habitués à entendre les contreténors sous les dorures des Palais baroques ou sur les prestigieuses scènes des théâtres parisiens. Les festivals en région ont très rarement l’occasion de nous offrir une programmation aussi riche en voix que celui de Froville. On connaît suffisamment le grain chaud de Max-Emmanuel Cencic, la lisse blancheur de Philippe Jaroussky, les florilèges ciselés de Franco Fagioli ou la douce rondeur d’Andreas Scholl.

David Hansen, chanteur venu des Antipodes, est tout simplement extraordinaire.  Nous avons découvert ce soir à Froville non seulement une belle présence et une nouvelle voix, mais un artiste dans tous les sens du terme : David Hansen possède des moyens vastes, notamment dans l’aigu et dans la vocalise ; les graves sont tout aussi impressionnants. Si le chanteur est très connu en dehors de France, nous nous étonnons que seul le festival de Froville programme ce contre-ténor d’exception.

Pour ce programme, David Hansen investit avec panache le répertoire napolitain qui fit la gloire des castrats comme Farinelli, Carestini, Caffarelli ou Bernacchi. Il va sans dire que ce sont des partitions d’une difficulté vocale sans précédent. Notamment dans les airs qu’il choisit de Leonardo Vinci et Leonardo Leo, nous retrouvons la verbe napolitaine et l’élégiaque que seule la plume du divin Vinci pouvait retranscrire.  Hansen nous ravit dans la tenue timbrée et dans la vocalise égrenée avec une virtuosité inouïe. Le splendide “Cara sposa” de Bononcini se révèle tout bonnement parfait dans l’évocation, le “Risveglia lo Sdegno” de l’Alessandro nell’Indie de Vinci devient feu d’artifice. Mais l’extase absolue fut atteinte avec le “Sento due fiamme in petto”, air d’une difficulté majeure tant pour la voix que pour le hautbois solo de Pier Luigi Fabretti qui nous offrit une restitution à la hauteur de son partenaire. Nous pouvons surenchérir d’épithètes, mais l’honnêteté n’est pas en reste, et encourageons vivement cet artiste à revenir en France et à poursuivre son parcours avec la même fraicheur de timbre et la même audace.

Alessandro de Marchi – DR

[clear]Soutenant le chanteur et intervenant avec éloquence, la superbe Academia Montis Regalis et le maestro Alessandro de Marchi déployèrent un coloris riche et nuancé pour ce récital. Peu d’orchestres possèdent une telle variété de timbres, une telle richesse d’approches et une justesse parfaite. Contrairement à bien d’ensembles au jeunisme outrancier ou qui tourmentent les partitions de rythmiques inappropriées, l’Academia Montis Regalis livre avec une déroutante simplicité les beautés profondes des partitions. La direction al cembalo d’Alessandro de Marchi porte avec élégance, précision et liberté l’ensemble des musiciens qui tour à tour soutiennent le soliste ou se mettent en avant. Nous avons particulièrement apprécié la profonde beauté de la restitution du premier violon, Olivia Centurioni, le théorbe et la guitare baroque de Pietro Prosser, le hautbois d’Aviad Gershoni. Il est injuste de ne pas mentionner le reste de l’orchestre, mais que le lecteur soit conscient que la France offre malgré tout trop peu de place à un orchestre d’un tel niveau.

Froville, jadis promis aux prières et au recueillement, a vu ce soir David Hansen ressusciter durablement la magie des deux Leonardo. David Hansen et l’Academia Montis Regalis nous rappellent que la musique est un acte de communion, de courage et d’exploration, et non un bijou serti de fatuité bon pour le snobisme luxueux.  Dans l’entremont lorrain, sous un ciel ou palpitaient mille étoiles, l’astre nouveau de David Hansen et de l’Academia Montis Regalis brille du feu qui inspire les plus belles créations.

Pedro-Octavio Diaz

Site officiel du Festival de Froville 

Étiquettes : , , , , , , , Dernière modification: 11 février 2022
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