Rédigé par 13 h 36 min Concerts, Critiques

Lorsque le Baroque et l’Opéra se donnent la main : le Grand Motet resplendit !

Le langage du théâtre musical à été importé à la Chapelle Royale de Louis XIV et Louis XV par les plus grands compositeurs, après les exemples de Michel Delalande. Les Grands Motets sont des pièces d’apparat et de faste. Le programme proposé par Jean-Marc Andrieu permet de goûter les saveurs riches et variées du dernier maître de la tragédie lyrique.

Rameau, Mondonville, Grands motets versaillais

Choeur du Capitole, Les Passions, dir. Jean-Marc Andrieu

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Jean-Marc Andrieu © Jean_Jacques Ader

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Grands Motets Versaillais

Jean-Philippe Rameau (1683-1724)
Quam Dilecta, psaume 83
In Convertendo, psaume 125 

Jean- Joseph Cassanéa de Mondonville (1711-1771)
De Profundis

Stéphanie Révidat, Sarah Szlakmann: dessus ;
Vincent Lièvre Picard : haute-contre ;
Alain Chilemme : taille;
Alain Buet, basse. 

Choeur du Capitole, Alfonso Caiani, direction.
Les Passions – Orchestre Baroque de Montauban. Direction : Jean-Marc Andrieu.   

20 février 2013, Toulouse, Théâtre du Capitole.[clear]

Le langage du théâtre musical à été importé à la Chapelle Royale de Louis XIV et Louis XV par les plus grands compositeurs, après les exemples de Michel Delalande. Les Grands Motets sont des pièces d’apparat et de faste. Le programme proposé par Jean-Marc Andrieu permet de goûter les saveurs riches et variées du dernier maître de la tragédie lyrique. Si Rameau n’ a composé que trois grands motets ils sont de grande valeur. Le premier interprété ce soir, Quam Dilecta, illustre les souvenirs et regrets de David qui ne verra plus le Tabernacle mais qui se réjouit de retrouver son Dieu. La musique est raffinée et les chœurs, les solistes et l’orchestre font preuve d’une belle virtuosité dans les moments de grandeur comme de plaisir bucolique. Il a fallu un peu de temps aux instrumentistes des Passions pour trouver leur équilibre, puis les très belles couleurs d’orchestre de Rameau ont vite enchanté le public.

Le De Profundis de Mondonville s’ouvre sur un chœur monumental, qui est pour beaucoup dans la célébrité de l’œuvre tout au long du XVIII ème siècle. Même si toute la partition n’atteint pas cette qualité, avec une orchestration plus modeste que celle de Rameau, elle maintient l’attention de l’auditeur.

Ce programme sans entracte a été savamment construit, il a culminé avec le splendide In Convertendo, chef d’œuvre d’équilibre grandiose de Rameau. C’est avant tout la complexité du chœur final qui frappe les esprits et touche les cœurs par une science de l’écriture d’une grande virtuosité qui n’a rien à envier aux splendeurs chorales d’outre-Rhin ou transalpines.

Ces trois grands motets ont en commun la variété des numéros qui alternent récits, airs, duos et trios avec de superbes parties chorales. Les chanteurs solistes aguerris aux subtilités de cette musique sont irréprochables. Ainsi la voix de dessus de Stéphanie Révidat est agréablement timbrée et ronde. La chanteuse gagnant en assurance au cours de la soirée. L’implication dramatique trouvant enfin sa place dans le motet final, alors qu’une certaine placidité ne rendait pas justice aux mots précédemment. Vincent Lièvre Picard avec son timbre merveilleusement clair de haute-contre, semble tout à fait habité dans ses airs et récits. Il en distille les mots avec un art exemplaire. Sa joie de chanter irradie à chaque instant. Alain Buet reste un musicien délicat, mais le timbre est malheureusement assez ingrat. Le soutien ponctuel des chanteurs sortis du chœur à été appréciable, ainsi Sarah Szlakmann et Alain Chilemme ont été de parfaits partenaires.

© Jean_Jacques Ader

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L’orchestre réuni par Jean-Marc Andrieu à été musicalement équilibré avec des violons aériens, des flûtes précises et gracieuses, des hautbois charmeurs et des bassons un peu verts. La basse continue a été vivifiante avec en particulier l’excellent Étienne Mangot à la basse de violon. La direction de Jean- Marc Andrieu précise et souple à la fois a toujours cherché à dynamiser et théâtraliser le propos, dans un style idiomatique.

Le grand triomphateur de la soirée a certainement été le Chœur du Capitole qui sous ĺ´impulsion de son chef, Alfonso Caiani, ose se mesurer à ce répertoire si particulier. Déjà en 2010 avec les Sacqueboutiers ils avaient provoqué l’étonnement et l’admiration dans les Vêpres de Monteverdi. Un pas de plus est franchit ce soir ; quel autre chœur permanent d’une grande maison d’opéra a su s’illustrer avec ce brillant dans les Grands Motets Versaillais ? À notre connaissance aucun.  Les deux formations de Midi-Pyrénées ont ainsi conjugué leur savoir-faire et le résultat est très encourageant. Pour ce répertoire français, les timbres du chœur sont là. Les pupitres ont chacun une exacte couleur. Tout particulièrement les dessus et les basses, avec des voix claires et une présence élégante. Chaque pupitre compte sur une belle unité, la poursuite du travail pourra concerner l’équilibrage entre les pupitres. Les bas dessus et les tailles ont souvent manqué de volume face aux voix extrêmes. Mais ces points ne sont que des pistes d’avenir tant l’ensemble vocal est déjà digne de cette musique royale.

Le public à beaucoup apprécié ce concert original sur la scène du Capitole et le bis du chœur final de De Convertere, a encore gagné en souplesse. L’acoustique assez mate du théâtre d’opéra à l’italienne n’a pas été facilitante ; si elle a mis en valeur les riches couleurs de l’orchestre les effets choraux ont manqué de spatialisation.

Le chœur du Capitole, dans son théâtre, y a donc brillé avec la complicité amicale des Passions de Montauban et un Jean-Marc Andrieu en pleine forme.

Hubert Stoecklin


Site officiel des Passions 

Site officiel du Théâtre du Capitole 

Étiquettes : , , , , , , , Dernière modification: 12 juillet 2014
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